Intervention militaire française au Mali: pour quel objectif réel ?
Henri Moulinier
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Paris n'a pas d'intérêts économiques au Mali. Les ressources s'y limitent à de l'or et des réserves hypothétiques d'uranium et pétrole.
« Il n'y a pas actuellement au Mali d'enjeux en termes de ressources stratégiques pour des grandes puissances », estime Paul Derreumaux, un économiste basé à Bamako. S'il est habituel de soupçonner que les interventions militaires occidentales visent en fait à sécuriser, voire rafler des ressources minières, on voit mal en effet comment cela pourrait être le cas au Mali, tant le pays est pauvrement doté.
L'économie se réduit ici pour l'essentiel à de l'agriculture vivrière, du coton et de l'or (15 % du PIB, principale exportation depuis deux ans). Une huitaine de mines, notamment de l'entreprise offshore Randgold, font de ce pays le troisième producteur du continent, avec 50 tonnes par an, derrière l'Afrique du Sud et le Gabon. Dans l'uranium, le canadien Rockgate essaie depuis des années de développer une mine près de la ville de Falea, malgré des objections environnementales. Ses estimations non auditées font état de 10.000 tonnes de minerai à 0,03 % d'uranium. Areva, très actif au Niger voisin, n'est pas implanté au Mali.
Quelques espoirs
Enfin, dans les hydrocarbures, le vaste bassin de Taoudeni, commun à l'Algérie, à la Mauritanie, auNiger et au Mali, nourrit quelques espoirs. Il n'existe pour l'instant aucune production au Mali, ni même de résultats probants de prospections. Agip et Texaco ont mené des recherches dans les années 1970, tout comme Esso et Elf plus tard, mais sont repartis, déçus. Une dizaine de concessions ont été accordées il y a cinq ans à l'algérien Sonatrach, qui extrait déjà de l'or noir dans la partie algérienne du bassin, ainsi qu'à diverses compagnies de second rang.
Pour autant, la stabilité du Mali constitue un enjeu considérable pour l'économie d'Afrique de l'Ouest, le pays se situant au carrefour de pays importants, comme le Niger (uranium), la Mauritanie, la Côte d'Ivoire, le Burkina, la Guinée et le Sénégal.
Adeptes du kidnapping, les djihadistes basés au nord du pays menacent « les voyageurs et les flux commerciaux de la région, ce qui donne une forte dimension antiterroriste à l'intervention française », souligne Paul Derreumaux. Bien que l'ONU évaluât fin décembre à 200.000 le nombre de personnes déplacées dans le pays, l'économie locale s'est montrée résiliente, constate un diplomate, grâce aux agriculteurs, qui continuent à cultiver leurs champs imperturbablement.