Le gouvernement vient d’adresser aux syndicats et au patronat son « Document d’orientation sur la réforme des retraites » ( voir texte complet).
Il persiste et signe dans son intention d’aggraver encore les conditions de travail des salariés et celles dans lesquelles ils pourront prendre leur retraite. Trois dimensions caractérisent ce projet : le gouvernement ment, il manipule l’opinion et il fait preuve d’une mauvaise foi sans pareille.
Mensonges
Le gouvernement affirme que « la véritable cause du déséquilibre de nos régimes de retraites est la démographie ».
C’est doublement faux.
- Le Conseil d’orientation des retraites a indiqué dans son rapport d’avril 2010 que la principale raison de l’aggravation des déficits sociaux était la crise financière : en 2006, donc avant la crise, le déficit de l’ensemble du système de retraite était de 2,2 milliards d’euros ; en 2008, il atteignait 10,9 milliards et il devrait être de 32,2 milliards en 2010.
- D’autre part, l’allongement de l’espérance de vie ne devient une catastrophe que si on refuse de mettre en débat la richesse produite, sa nature, son évolution et la manière dont elle est répartie.
Manipulations
Le gouvernement affirme s’engager à « écarter toute solution qui baisserait le niveau de vie des Français ou augmenterait le chômage ». Or, prétendre inciter les salariés à travailler plus longtemps, que ce soit en reculant l’âge légal de la retraite ou en augmentant la durée de cotisation, entraîne inéluctablement une baisse du niveau des pensions, malgré tous les serments qui prétendent le contraire. C’est déjà le résultat des contre-réformes de 1993 et de 2003, ce sera le cas avec celle de 2010 si elle est effective.
Alors que le chômage continue d’augmenter, le travail forcé des seniors se substituera à l’emploi des jeunes. Le « travailler plus » des uns se traduira par l’exclusion et la précarité des autres, jeunes, femmes, non diplômés. La reconnaissance de la pénibilité du travail semble se limiter pour le gouvernement aux salariés déjà « cassés » par leur travail, qu’on ne contraindra (peut-être) pas à travailler plus longtemps…
Toute alternative au « travailler plus » est a priori exclue sans possibilité de discussion : toute augmentation des cotisations est interdite. On nous dit que les déficits des régimes de retraite se chiffreront par dizaines de milliards d’euros, voire plus de 100 milliards en 2050 : mais on refuse d’accompagner l’évolution démographique par une augmentation des cotisations au fur et à mesure que la richesse s’accroît. Pourtant la seule application du taux de cotisation patronale aux dividendes distribués comblerait immédiatement tout le déficit actuel de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, le régime général de la Sécurité sociale.
Quant à la « contribution supplémentaire de solidarité sur les hauts revenus et les revenus du capital sans restitution au titre du bouclier fiscal », elle restera largement symbolique au regard des sommes nécessaires. Le flou règne sur ces nouveaux financements, mais le choix de reculer l’âge légal de la retraite et/ou de rallonger la durée de cotisation est présenté comme ferme et définitif.
Mauvaise foi
Le gouvernement réaffirme l’impératif de solidarité et sa confiance dans le système par répartition. Mais il organise en même temps la baisse inéluctable du niveau des pensions parce que de moins en moins de salariés pourront satisfaire aux nouvelles obligations de travailler plus longtemps.
Il ouvre ainsi la voie à tous ceux qui, comme le Medef ou les compagnies d’assurance, veulent élargir le champ des retraites complémentaires par capitalisation auxquelles pourront souscrire les titulaires de hauts revenus ou de hauts salaires. Les inégalités sociales en seront encore aggravées, dans la société et au sein même du salariat.
Loin de consolider la solidarité du système par répartition, le document gouvernemental met au programme des prochaines années une « réforme systémique » pour transformer notre système en un système « par points » ou « par comptes notionnels ». Le Conseil d’orientation des retraites, dans son rapport de janvier, a montré comment une logique individualiste viderait alors de tout son sens le système par répartition. Les pensions seraient calquées sur les contributions personnelles de chaque salarié cotisant : adieu au principe de solidarité qui inspire les fondements de la Sécurité sociale. Alors même que – comme le reconnaît le Conseil d’orientation des retraites - cette réforme systémique n’aurait aucune efficacité face à un choc économique ou démographique.
La logique profonde de la réforme annoncée des retraites n’est donc pas de préserver la solidarité mais au contraire de rassurer les marchés financiers : à l’image de ce qui se passe en Grèce, en Espagne et maintenant partout en Europe, le gouvernement veut montrer sa détermination à faire payer la réduction des déficits publics aux salariés et à la population, en laissant intacts les revenus et le pouvoir de la finance.(...)
Attac France
document d-orientation du Gouvernement[1] : texte complet
° sur ce blog une analyse des propositions du Parti Socialiste du 19/5/ 10
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Financer les retraites à 60 ans :
tout à fait possible, sauf pour le patronat vorace.
Pour celles et ceux qui ne seraient pas encore convaincus de la possibilité d'assurer le financement d'une retraite à 60 ans à taux plein pour tous, je vous joins un extrait d'un entretien de Bernard Friot (dont je vous conseille l'excellent bouquin qui vient de sortir "L'enjeu des retraites" Ed La Dispute), Professeur de Sociologie à l’Université de Paris Ouest Nanterre, avec JP Duparc, journaliste :
" L’arithmétique de Madame Parisot est à la fois ridicule et scandaleuse. Ridicule : en disant que nous ne pourrons pas assumer un retraité pour un actif en 2050 alors que nous en assumons un pour deux actifs aujourd’hui, c’est comme si elle avait dit en 1900 : les paysans vont passer de 30% à 3% de la population, la famine en 2000 est arithmétique.
Le PIB augmente, en moyenne séculaire, de 1,6 % par an, c’est-à-dire qu’il double en monnaie constante tous les 40 ans.
- Les pensions représentent aujourd’hui 13% d’un PIB de 2000 milliards d’euros, reste donc 1740 milliards.
- Si elles représentent 20% d’un PIB de 4000 milliards d’euros en 2050, restera 3200 milliards, soit près du double d’aujourd’hui, parce qu’un actif en 2050 produira au moins autant que deux actifs aujourd’hui.
Il n’y a aucun problème démographique, la nullité de ce pseudo argument doit être dénoncée sans relâche. Il suffit d’affecter le quart des gains de productivité du travail à une hausse annuelle du taux de cotisation patronale pour que la place croissante des retraités dans la vie du pays soit reconnue sans aucun problème.
Mais l’arithmétique du Medef, qui est celle aussi du gouvernement, ajoute au ridicule le scandale : elle repose sur le fait que tous les gains de productivité du travail doivent aller au profit, et qu’il faut travailler plus si nous voulons gagner plus. C’est effectivement ce qui se passe depuis les trois dernières décennies, où la modération salariale(en réalité un pillage salarial) a été imposée prétendument pour sauver l’emploi.
Le financement des retraites ne peut reposer que sur une hausse régulière du taux de cotisation patronale afin d’éviter que les gains de productivité du travail aillent au profit pour alimenter la bulle spéculative (la part des dividendes dans le PIB est passée de 3,2% en 1982 à 8,5% aujourd'hui, soit l'équivalent de 90 milliards d'euros d'aujourd'hui qui sont ponctionnés tous les ans sur ce qui revenait autrefois aux salariés, c'est moi qui précise ! )"