Le dossier complet, avec les tableaux statistiques peut être téléchargé au bas de cette page.
Monsieur, En tant que professeur de « sciences économiques et sociales », je me permets de vous adresser un dossier concernant les attaques récurrentes dont ma discipline fait l’objet depuis au moins une dizaine d’années. J’utilise ici le terme « attaques » et non « critiques » ; non que cet enseignement ne puisse pas faire l’objet de critiques, il est bien entendu loin d’être parfait et les professeurs de SES sont en mesure d’entendre et de prendre en considération toutes les critiques constructives, d’où qu’elles viennent, pourvu qu’elles soient fondées sur des données réelles et exactes. Mais nous devons également essuyer régulièrement des critiques non fondées voire malveillantes ; c’est de celles ci que j’aimerais vous parler.
MONSIEUR DARCOS ET L’HORREUR DES CHIFFRES.
A tout seigneur, tout honneur : nous pouvons commencer par divers ministres de l’Education Nationale. Vous avez encore en mémoire les propos de Xavier Darcos sur la filière ES aux débouchés incertains (Droit, sociologie, psychologie), propos entièrement remis en cause par les données statistiques officielles de son propre ministère : ainsi, les élèves de ES allant en Droit (15,6%), sociologie (2,3%) et économie (13,6%) ne représentent pas l’essentiel des bacheliers ES puisque 68,5% des bacheliers ES font autre chose que les licences pré-citées (données 2006 du MEN).
Par ailleurs, 62,5% d’entre eux poursuivent des études supérieures longues, 25% des études supérieures courtes (IUT, BTS, Ecoles spécialisées) ; enfin, ils représentent 12% des entrants en classes préparatoires (dont la majorité, les classes préparatoires scientifiques ne leur sont pas accessibles) ainsi que 44% des entrants dans les grandes écoles de commerce,
Pour finir, leur réussite en Licence n’a rien à envier à celle des autres bacheliers : 74,9 % des bacheliers ES réussissent leur licence sans redoubler, contre 70,4 % des bacheliers S et 69,8 % des bacheliers L.
Enfin, soulignons que si les bacheliers de la série ES représentent une faible proportion des élèves des classes préparatoires (13,6 %), c’est avant tout parce que les deux tiers des effectifs de ces dernières vont dans des formations destinées "par nature" aux bacheliers S. Mais si on se limite aux seuls classes préparatoires économiques et commerciales, on s’aperçoit que les bacheliers ES représentent alors 44 % des entrants !
LE CAS LUC FERRY : LA MEMOIRE DE L’AVENIR.
Mais il n’est pas le seul ; les propos de monsieur Luc Ferry sont étonnants par leur inexactitude. Ainsi, dans le numéro de l’Expansion du 1er Juin 2006, en réponse à la question : « Est-il possible de réconcilier l’école et l’entreprise quand une grande partie de l’enseignement est hostile à l’économie de marché ? Il déclare : « Les programmes d’économie me semblent, en effet, hors du monde, bourrés d’idéologie. Je n’ai pas réussi à les changer autant que je l’aurais voulu, mais j’y ai quand même introduit des notions aussi extravagantes qu’« entreprise » ou « marché », qui étaient absentes des textes avant mon arrivée. » (LUC FERRY : Les jeunes m’effarent par leur conservatisme - Propos recueillis par Bernard Poulet - 01/06/2006 - L’Expansion )
Or, il est facile de voir que les thèmes de l’entreprise et du marché sont présents dans les programmes des sciences économiques et sociales et ce dès leur origine. Pour preuve, l’encadré ci-dessous :
PROGRAMME : CLASSES DE PREMIERE B (Quatre heures)
LA VIE ECONOMIQUE ET SOCIALE DE LA NATION
Introduction : Les agents de l’économie. Eléments d’analyse sociale (vocabulaire, méthodes élémentaires).
I. L’entreprise
1° Les problèmes économiques de l’entreprise : les facteurs de production et leur combinaison ; l’équilibre de l’entreprise. comptes d’exploitation. résultats et bilan.
2° Les différentes formes d’entreprises : statut juridique et dimension.
3° L’organisation de l’entreprise et ses problèmes humains.
L’entreprise apparaît bien comme le premier chapitre du programme de première B ; j’ai oublié d’indiquer la date ; voyez ci-dessous :
A compter de la rentrée 1967, l’enseignement de l’instruction civique sera donné dans le cadre du programme d’initiation aux faits économiques et sociaux dont l’horaire global est porté à 4 heures 30.
Et oui ! Il s’agit des programmes d’origine de l’année 1967. Mais on peut excuser monsieur Ferry qui, né en 1951, n’avait alors que 16 ans (l’âge pour entrer en première justement) ou bien admirer sa précocité puisqu’en toute logique, on doit tirer de ses propos qu’il a été nommé ministre de l’Education Nationale avant même sa majorité.
Et le marché, me direz-vous ?
Il était abordé dans la troisième partie du même programme de première.
III. L’économie nationale
A. La monnaie et les institutions financières. 1°Création. Formes et fonction de la monnaie. 2° Crédit et système bancaire
B. La production et sa répartition. 1° Composition et évaluation du produit national ; le revenu national et sa répartition. 2° La formation des différents revenus (salaires, bénéfices. etc.) ; la redistribution des revenus.
C. Mouvements et équilibres économiques. 1° Les marchés et les prix : notions sommaires sur la formation des prix ; types de marché et types de prix ; les mouvements des prix.
Mais peut-être Mai 68 ou le socialisme au pouvoir sont ils passés par là et auraient jeté l’entreprise aux oubliettes ? Examinons les programmes du début des années 1980.
Programmes officiels. Arrêtés du 26/01/81 et du 9/03/82 Classe de Seconde
OPTION « INITIATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE" (Deux heures hebdomadaires)
I Récapitulation et mise en ordre des connaissances acquises, permettant de situer l’économie et la société françaises, dans leur état actuel par rapport aux principales formes d’organisation économique et sociale passées et présentes et de rappeler la notion de circuit économique
II La population active (définition et mesure, répartition par secteurs, évolution). Les catégories socio-professionnelles.
L’entreprise, productrice de biens et de services : La diversité des entreprises, selon la nature de leurs activités, leur statut, leurs dimensions.
Le fonctionnement de l’entreprise.
L’organisation du travail et les problèmes sociaux dans l’entreprise
L’entreprise est remontée d’un cran. On ne l’enseigne plus en première mais en seconde (rappelons qu’à l’époque, tous les élèves de seconde générale doivent suivre cet enseignement, ce qui n’est le cas aujourd’hui que de pour 43,3% d’entre eux).
Et le marché ? Il est enseigné en classe de première et ce, de manière assez approfondie.
CLASSE DE PREMIERE B (Horaire hebdomadaire trois + une heure) Economie et société française L’étude de ce programme sera conduite de façon à mettre en valeur les liens d’interdépendance qui unissent les réalités économiques. sociales, politiques sur lesquelles il porte.
II. STRUCTURES ET MÉCANISMES ÉCONOMIQUES
1. Description et mesure des activités macro-économiques et micro-économiques : Principes et présentation simplifiée de la comptabilité nationale (secteurs institutionnels, opérations, agrégats, tableau économique d’ensemble) ; Présentation simplifiée des comptes d’entreprise.
2. Analyse structurelle de la production : branches, secteurs, filières ; stratégies d’entreprise.
3. La monnaie création, formes, fonctions ; le rôle des banques.
4. Marchés et prix.
5. L’échange international.
ON N’EST JAMAIS TRAHI QUE PAR LES SIENS : L’EPISODE DE L’EXPANSION.
Mais ces critiques sont parfois plus anciennes, à l’image d’un article publié dans l’Expansion du 19 Février 1998, et consacré à l’enseignement de l’économie. La critique avait paru honnête à de nombreux professeurs de SES même si on trouvait de curieux commentaires comme : « En somme, résume avec brutalité un professeur d’économie d’une grande école, on apprend aux lycéens que les lois du marché sont le masque d’une idéologie au service des puissants, que l’intervention des Etats est indispensable, que la crise est le corollaire normal du capitalisme, et que les prétentions de l’économie au statut scientifique sont très suspectes ! » Il semble curieux que l’appréciation d’un programme soit faite par un professeur anonyme d’une grande Ecole qui n’a peut-être jamais enseigné en lycée. Mais passons !
En revanche, les intertitres et les encadrés étaient assassins. Celui-ci est typique : « L’étude de l’économie est délaissée : de moins en moins de bacheliers, tous bacs confondus, s’inscrivent en sciences éco. Et le bac ES (section économique et sociale) est en crise : seuls 17 % des bacheliers ES se retrouvent effectivement dans les filières économiques de l’université. »
A priori, on pourrait penser que ce résultat illustre plus un échec de l’enseignement supérieur que de la filière E.S. Parlerait-on d’échec de la série scientifique en s’appuyant sur le faible pourcentage de bacheliers S faisant polytechnique ou entamant des études de médecine ? Ce qui frappe d’ailleurs, c’est la faute de raisonnement de base de ce journaliste (faute de lecture basique de pourcentage que nous tentons de combattre dans nos cours : en effet en 2006 seuls 8,9% des bacheliers ES vont en licence économie-gestion mais les bacheliers ES représentent 45,1% des étudiants en licence économie-gestion, contre 22,7% pour les bacheliers S et 1,3% des bacheliers L, le reste étant constitué de bacheliers technologiques et professionnels et d’étudiants étrangers (source MEN).
Enfin, notre programme était présenté ainsi : « Mais le programme définit une économie « vue par les sociologues », et, sur le fond, très inspirée par la tradition keynésienne ». C’est oublier que le programme officiel à l’époque prévoyait explicitement l’étude de plusieurs grands auteurs en économie : Adam Smith, Karl Marx (mais vu sous l’angle de ses travaux sociologiques), David Ricardo, J.M. Keynes, J. Schumpeter et Milton Friedman (ce dernier a disparu des programmes depuis). Si on compte bien cela fait quatre auteurs classés généralement parmi les libéraux sur un total de six auteurs. Effectivement, la balance n’est pas très équilibrée, mais pas dans le sens supposé par l’Expansion. A la suite de nombreuses lettres de protestation, l’auteur de l’article, Gérard Moatti, a adressé un mot d’excuse où l’on peut lire ceci : « En particulier, le fait qu’une minorité d’élèves de la filière ES poursuive des études supérieures en science-éco ne signifie nullement que la filière soit « dans l’impasse », comme l’indique l’un des encadrés(…) De fait, cet article a été « édité » (titre, chapeau, intertitres, encadrés , légendes) à un moment où ses auteurs étaient absents de Paris, d’où ce malentendu et ce décalage-regrettables, je l’avoue » « Il est exact que l’entreprise est étudiée dans la filière ES – mais davantage en première qu’en terminale, à en croire les programmes. Or les sujets du Bac portent surtout sur le programme de terminale, sur lequel se concentrent bien naturellement les efforts des candidats ».
LE MAGAZINE « CAPITAL » ET DE L’USAGE DU « ON DIT » ET DE L’A PEU PRES.
Le plus beau fut quand même un article du 22 Juin 1999, paru dans le magazine Capital, « L’économie au lycée, çà craint ! » (article qui pour nous, enseignants en sciences économiques et sociales, reste mythique), et dont le sous-titre est : « Programmes indigestes, profs mal formés, faible niveau des élèves qui ont choisi cette discipline », et dont un des intertitres était : « Des programmes inadaptés, des profs complexés, des débouchés aléatoires ... Autant de maux qui accablent la série ES ». Difficile pour un « petit prof » de se relever de tels propos. Fort heureusement, l’auteur de l’article, Hervé Jannic, use plus de l’insinuation que de l’argumentation. Passons sur le fait qu’il débute par une erreur pardonnable : « Il a d’ailleurs fallu attendre 1966 pour que cette discipline soit officiellement reconnue, mais en n’étant obligatoire qu’à partir de la première et en restant cantonnée dans une filière créée pour la circonstance, la série B ». La discipline était enseignée dès la seconde dans une filière nommée « AB » et ouvrant soit sur la filière B soit sur la filière G.
Pour le reste, qu’on en juge : « Justifiés ou non, au moins trois reproches visent la série ES. D’abord, le faible niveau des élèves qui l’ont choisie. Ou plutôt qui s’y retrouvent parce qu’ils ne brillent ni en sciences ni en lettres. « La plupart sont là faute de mieux », soupire un professeur d’économie ». « Justifiés ou non » : apparemment, l’auteur ne s’inquiète pas de savoir si les reproches sont justifiés, nous ne sommes pas loin de la rumeur malveillante. Puis : « Le deuxième reproche s’en prend au contenu de l’enseignement, qualifié par un inspecteur d’académie de « mauvais potage fait d’abstractions indigestes et de bavardages superficiels ». Qui est cet inspecteur anonyme ? Et inspecteur de quelle discipline ? Egalement : « Le troisième, le plus grave, dérive des deux précédents : manquant de bases solides, la plupart des bacheliers ES n’ont aucune chance d’intégrer une grande école de gestion et risquent même de décrocher vite dans une fac de sciences éco. » La consultation des données statistiques déjà fournies permet de se faire une opinion sur ces propos.
L’usage de la contradiction n’émeut pas non plus notre journaliste. Ainsi, il écrit : « Aujourd’hui, les débats continuent en interne, mais les partisans d’un enseignement à forte coloration théorique l’ont manifestement remporté (lire l’encadré page suivante) ». Puis, quelques pages plus loin, parlant des bacheliers ES qui tentent une première année en faculté de sciences économiques : « En fait, rares sont les bacheliers ES - seulement 10% d’une promotion - qui tentent encore l’aventure. Les autres ont compris qu’ils n’avaient rien à faire dans ces facultés où, sélection oblige, l’enseignement est théorisé à l’extrême. Heureusement, les facultés commencent à mettre de l’eau dans leur vin. »
Malheur ! nous avons beau fait un cours théorique, nous ne sommes pas encore suffisamment théoriques pour l’université. Enfin : « Significatif : l’entreprise est pratiquement ignorée ». Eternel refrain dont nous avons déjà vu la valeur…
UN INSTITUT DE SONDAGE EN VOGUE A L’ASSAUT DES SCIENCES ECONOMIQUES ET SOCIALES.
Enfin, une des dernières critiques, qui semble voir porté ses fruits est celle de monsieur Lanxade président de la jeune association « Positive entreprise » qui publie un rapport sur l’enseignement de l’économie au lycée dans le cadre d’une association, « positive entreprise ». D’après lui, « Les jeunes mesurent un profond décalage entre leur génération et les attentes du monde de l’entreprise. À 55%, ils jugent l’école responsable de ce fossé. Tel est le résultat du sondage Positive Entreprise – Opinion way publié en juin 20071. Tout cela laisse penser que les solutions d’améliorations doivent se concentrer sur le projet pédagogique de l’école ainsi que sur le discours et les actions que les entreprises doivent tenir à l’égard des jeunes générations ».
Et, bien entendu, ce serait l’enseignement de l’économie au lycée qui serait responsable de cet état de fait.
A) UN SONDAGE DOUTEUX
Son analyse porte sur un sondage effectué par « Opinion Way » (institut récemment critiqué par diverses personnalités politiques), en juin 2007 auprès d’un échantillon de 325 jeunes. 325 jeunes ! On appréciera l’importance de l’échantillon interrogé.
B) UNE PROBLEMATISATION ETONNANTE
La démarche de « Positive entreprise » est clairement présentée par l’économiste Olivier Bouba-Olga (http://obouba.over-blog.com/article-12211612.html) : « (…) la question posée est « selon vous, pourquoi existe-t-il un profond décalage entre les jeunes et l’entreprise ? » avec comme proposition de réponse : I) en raison du fossé qui existe entre l’école et l’entreprise II) parce que la nouvelle génération ne croît plus aux promesses de l’entreprise, III) parce que la nouvelle génération ne souhaite pas s’impliquer autant dans l’entreprise, IV) en raison du chômage des jeunes, V) aucune de ces raisons.
Résultat des courses : 55% attribuent « le profond décalage » au fossé « école-entreprise ». Deux remarques : I) la question est d’emblée biaisée, on ne demande pas aux jeunes s’il existe un décalage, on leur dit qu’il existe un décalage et on leur demande quelle explication ils en donnent. Incomplet, réducteur et idéologiquement orienté, comme démarche. II) considérer qu’il existe « un décalage entre jeune et entreprise » n’est pas synonyme de « les jeunes n’aiment pas l’entreprise ». Or, c’est l’assimilation qui est faite dans 20 minutes, ainsi que par Thibault Lanxade à plusieurs reprises dans les interviews.
Par ailleurs, on peut être surpris par la thèse selon laquelle cette situation serait le résultat de l’enseignement de « l’économie » en seconde, enseignement qui ne touche, en 2006, que 43,3% des élèves de seconde générale et environ 25 % du total des élèves de seconde. Peu de corporations ont une telle « capacité de nuisance » !
C) UNE LECTURE BIAISEE DES MANUELS ET DU PROGRAMME.
L’analyse des manuels de sciences économiques et sociales de seconde qu’on peut trouver dans le « Rapport Lanxade » est pour le moins étonnant et souvent baisée.
1) UN PROGRAMME EXCESSIVEMENT SOCIOLOGIQUE ?
D’après le rapport Lanxade : « Le programme de Seconde de Sciences économiques et sociales traite largement de questions sociologiques, au détriment d’une approche purement économique ».
La simple lecture du programme officiel montre que tel n’est pas le cas. Et, par ailleurs, on peut se demander pourquoi la compréhension du monde contemporain devrait exclure ou minorer la composante sociologique des problèmes. On peut le vérifier ci dessous : les points 2 (la famille), 3.2 (la classification professionnelle), voire 4.3 (organisation du travail et relations sociales) et 5.2 (consommation et mode vie) peuvent effectivement être considérés comme des problèmes sociologiques et non économiques (mais on peut supposer que Jean Fourastié qui s’est tant intéressé à la question du mode de vie ne soutiendrait pas exactement cette classification). En contrepartie, les points 3.1 (La population active), 4.1 (diversité des organisations productives), 4.2 (La production dans l’entreprise) et 5.1 (les ressources : revenus et crédit) relève de l’approche économique.
PROGRAMME NOTIONS QUE LES ÉLEVES DOIVENT CONNAITRE, SAVOIR UTILISER ET PRÉCISER
1 - Introduction : La démarche des sciences économiques et sociales
2 - La famille : une institution en évolution Diversité des formes familiales, Relations de parenté, Ménage
3 - L’emploi : une question de société 3.1 La population active Actifs / inactifs, Emploi salarié / non salarié, contrat à durée indéterminée / emplois précaires, Chômage
3.2 La classification socioprofessionnelle Catégories socioprofessionnelles
4 - La production : un espace de relations économiques et sociales 4.1 La diversité des organisations et leurs objectifs Entreprise, Administration, Association
4.2 La production dans l’entreprise Facteurs de production (capital et travail), Productivité du travail, Investissement, Valeur ajoutée
4.3 L’organisation du travail et les relations sociales dans les unités de production Organisation du travail, Contrat de travail, Représentation des salariés
5 - La consommation : une activité économique, sociale et culturelle 5.1 Les ressources : revenus et crédit Revenus primaires, Revenus de transfert, Revenu disponible, Salaire
5.2 Consommation et mode de vie Biens privés / Biens collectifs, Pouvoir d’achat, Niveau de vie, Effet de signe
On peut tirer deux conclusions de cette rapide inspection du programme de seconde :
Quatre items sont consacrés à des problèmes sociologiques et quatre items à des problèmes économiques. Le programme officiel propose une durée approximative pour chaque chapitre (famille : 4 à 5 semaines, Emploi : 6 à 7 semaines, Production : 9 à 10 semaines, consommation : 8 à 9 semaines). Chaque chapitre ayant des composantes à la fois économiques et sociologiques, il est difficile de faire une quantification précise mais on peut évaluer le temps passé aux problèmes sociologiques entre 14 et 16 semaines et celui passé aux problèmes économiques entre 13 et 15 semaines. La suprématie des questions sociologiques apparaît tout de même comme très relative.
On voit également la distinction entre questions sociologiques et questions économiques est rarement simple : certes l’effet de signe peut renvoyer à des analyses sociologiques (Baudrillard) mais son utilisation par les publicitaires entre pleinement dans le cadre de l’analyse économique et, plus précisément, de l’analyse de l’entreprise (à moins que les entreprises ne fassent pas de publicité ?). de même, nous avons arbitrairement classé l’Item « organisation du travail et relations sociales » dans la catégorie « questions sociologiques » ce qui surprendrait probablement monsieur Rocard qui, dans le cadre de la commission Pochard , a déclaré : « Nous sommes le seul pays d’Europe où le dialogue social n’existe à peu près pas » (réponse aux enseignants ), montrant que l’analyse économique ne peut être déconnecté de l’analyse des relations sociales. Enfin, même un sujet aussi sociologique que la famille peut être relié aux problèmes économiques (une des causes essentielles de la montée des prix de l’immobilier n’est elle pas la multiplication des ménages consécutive à celle des divorces ?)
2) L’ENTREPRISE, PARENT PAUVRE DU PROGRAMME ?
D’après le « rapport Lanxade » : « L’entreprise apparaît comme le parent pauvre du programme.
Les thèmes spécifiques à l’entreprise sont peu nombreux ; donc peu de temps d’enseignement leur est consacré. Citons le profit et la répartition de la valeur ajoutée, les systèmes de production, les investissements, l’organisation du travail et les relations sociales. On peut craindre que certains de ces thèmes ouvrent la voie, dans les manuels et certainement en cours, à des présentations tendancieuses de l’entreprise. » La aussi, la simple lecture du programme permet de montrer que l’entreprise occupe 9 à 10 semaines dans le programme de seconde (sans même compter les aspects de la consommation liés à la publicité), soit environ un tiers de l’année.
Le thème de l’entreprise revient à plusieurs occasions dans les programmes de première et de terminale. En première, elle est notamment abordée dans le cadre du chapitre consacré au marché sous l’item « l’entreprise et les marchés » (« Les stratégies des entreprises » et « le contrôle de la concurrence ») mais il est bien entendu qu’on doit aussi en parler dans les chapitres consacrés aux « agents économiques » et au « financement de l’économie ».
En terminale, le thème de l’entreprise est explicitement traité dans le cadre des « stratégies internationales des entreprises » (ajoutons l’analyse des textes de Schumpeter et donc la présentation de la notion « d’esprit d’entreprise » dans le cadre de l’enseignement de spécialité) mais aussi en filigrane lorsque l’on aborde les déterminants de l’investissement, les sources de la croissance économique, les évolutions de l’organisation du travail répondant aux besoins de flexibilité des entreprises ou le rôle central du travail dans l’intégration sociale des individus.
On peut reconnaître qu’on est loin de la place de « parent pauvre » que monsieur Lanxade prétend déceler, à moins que comme dans trop d’affaires d’héritage familial, la convoitise fausse la vision de la réalité. Relevons également la dernière phrase du texte précédent : « On peut craindre que certains de ces thèmes ouvrent la voie, dans les manuels et certainement en cours, à des présentations tendancieuses de l’entreprise ». Il n’y a là pas de constat mais un procès d’intention.
3) DES DEBATS DEPASSES ?
Toujours selon monsieur Lanxade : « Le programme n’évite pas quelques débats dépassés (exemples des nationalisations, des dimensions symboliques de la consommation, de la transformation de certaines fonction , tels les services aux personnes, en activités salariées) »
La consultation du programme officiel montre que la notion de nationalisation n’est pas présente.
PROGRAMME NOTIONS QUE LES ÉLEVES DOIVENT CONNAITRE, SAVOIR UTILISER ET PRÉCISER
4 - La production : un espace de relations économiques et sociales 4.1 La diversité des organisations et leurs objectifs Entreprise, Administration, Association
4.2 La production dans l’entreprise Facteurs de production (capital et travail), Productivité du travail, Investissement, Valeur ajoutée
4.3 L’organisation du travail et les relations sociales dans les unités de production Organisation du travail, Contrat de travail, Représentation des salariés
En revanche, on doit bien parler des dimensions symboliques de la consommation (sous l’appellation « effet de signe ») mais en quoi s’agit-il d’un « débat dépassé » ? Les publicitaires n’usent ils pas tous les jours de cette dimension symbolique ?
PROGRAMME NOTIONS QUE LES ÉLEVES DOIVENT CONNAITRE, SAVOIR UTILISER ET PRÉCISER
5.1 Les ressources : revenus et crédit Revenus primaires, Revenus de transfert, Revenu disponible, Salaire
5.2 Consommation et mode de vie - Biens privés / Biens collectifs Pouvoir d’achat, Niveau de vie, Effet de signe
4) DES INTERPRETATIONS SURPRENANTES.
Par ailleurs, la lecture et l’interprétation des textes proposés dans un des manuels incriminés est pour le moins surprenante. Qu’on en juge : monsieur Lanxade reprend un texte tiré d’un manuel puis le commente :
« Le partage de la valeur ajoutée peut être conflictuel puisque ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres. L’entreprise peut être tentée de licencier des salariés, d’accroître la productivité du travail pour obtenir plus de profit et mieux rémunérer ses actionnaires. Lorsque les salariés sont en position de force, ils réussissent à obtenir une part plus importante de la valeur ajoutée, mais cela peut conduire les entreprises à moins investir, provoquant un vieillissement de l’appareil productif. » Les salariés sont donc systématiquement défavorisés (pression sur les salaires, plans de licenciements…), à la différence des actionnaires, que les entreprises doivent « choyer, attirer, rassurer, écouter puisqu’ils détiennent le nerf de la guerre »
Voilà un texte où on met en balance les risques d’un partage déséquilibré soit dans le sens d’un profit trop important soit dans un sens trop favorable aux salaires (« mais cela peut conduire les entreprises à moins investir, provoquant un vieillissement de l’appareil productif ») et l’auteur de ce rapport y voit une présentation biaisée uniquement en faveur des salariés. Plus intéressant aurait été de critiquer le fait que le partage de la VA est conçu ici uniquement comme un jeu à somme nulle (cela a-t-il été fait dans la suite du texte du manuel ?).
Autre analyse de monsieur Lanxade :
« Le progrès technique est présenté de façon essentiellement négative. Un seul exemple en la matière, le QCM proposé : « Le progrès technique : a/ provoque toujours une augmentation du chômage ; b/ détruit des emplois mais peut aussi créer de nouvelles activités ; c/ a un effet négatif sur l’emploi à court terme, mais variable à long terme. »
Quel économiste prétendrait que le progrès technique ne détruit pas des emplois à court terme puisque, comme le rappelle Alfred Sauvy, c’est bien pour cela qu’il a été conçu ? La grande question est de savoir sil crée plus d’emplois qu’il n’en détruit, occasion de présenter la notion de déversement de Sauvy (qui, nous semble-t-il, n’était pas spécialement gauchiste).
CONCLUSION
Evidemment, nous sommes conscients que ce compte-rendu pourrait créer ou renforcer une image de « professeurs de sciences économiques et sociales » renfermés dans leur forteresse et quelque peu paranoïaques. Il s’agirait là d’une grossière erreur car nous ne refusons pas les critiques, surtout constructives, pourvu qu’elles soient fondées sur des éléments fiables et avérés et il en existe heureusement. Notre discipline est loin d’être parfaite et doit évoluer, d’ailleurs nos programmes ont une durée de vie moyenne de 4 à 5 ans (quelle autre discipline du lycée peut en dire autant ?) et nos manuels sont réédités tous les 3-4 ans pour coller au plus près des statistiques et de l’actualité sociale et économique. Mais nous avons voulu montrer ici que trop de critiques sont non fondées, élaborées rapidement et avec bien peu de rigueur intellectuelle or, à force d’être répétées, elles ne sont diffusent pas moins dans la société (« Calomniez ! Calomniez ! Il en restera toujours quelque chose ! »).