Un débat a lieu entre la Municipalité de La Rochelle et les organisations syndicales, à propos des Pompes Funébres municipales. Celles-ci sont actuellement en régie municipale, dépendant directement de la Mairie, donc du droit public, pour son fonctionnement et pour le statut du personnel.
Ce débat concerne l'ensemble des rochelaises et des rochelais.
Il est question de transformer cette Régie en Société Publique Locale, qui, dit la loi (voir ci-après) est une "société anonyme, régie par le Code du Commerce". C'est donc un statut de droit privé pour l'activité et son personnel. Cependant, le capital doit être détenu à 100% par au moins 2 collectivités locales (par exemple: Mairie de La Rochelle - Communauté d'Agglomération ?). Cette question serait à l'ordre du jour du Conseil Municipal de La Rochelle Lundi 12 décembre.
Une démarche de gauche, pour défendre les services publics locaux ?
N'est-ce pas, comme l'affirme ci-dessous la CGT des personnels territoriaux, une "privatisation déguisée" du statut de l'activité et de celui de son personnel, même si le capital demeure à 100% public? N'est-ce pas un glissement vers la sphère privée, concurrentielle, voulue par l'Union Européenne? Cette Europe qui prône la mise en concurrence des service publics, impliquant leur privatisation d'abord en termes de gestion, l'autonomie des budgets de ces "sociétés anonymes". N'y a -t-il pas là un processus de privatisation ? Car, demain ou après-demain, le capital peut être lui aussi privatisé, craint la CGT...Et ce statut de "société anonyme" peut être mis en place pour d'autres services publics municipaux: restaurants scolaires, service des eaux, ...?
Une "exemption" aux règles concurrentielles de l'Union Européenne ?
Cependant le rapport parlementaire du député Schosteck (ci-dessous) a une autre analyse "consensuelle", celle de permettre une "dérogation" aux règles européennes de concurrence pour des activités de collectivités locales, pour préserver ces services publics locaux. Le rapport parlementaire dit que " les critères permettant d’exempter le pouvoir adjudicateur – en l’occurrence une collectivité locale – de l’obligation de mettre en concurrence une société à qui il souhaite acheter une prestation. Afin d’éviter que cette dérogation ne fausse le fonctionnement de la concurrence entre les sociétés privées (...)". Et le capital de ces sociétés doit être, selon la loi, détenu à 10% par la-les collectivités-s locales-s.
C'est cela qui fait dire, dans "Sud-Ouest" du 5-12, à Marie-Lise Fleuret-Pagnoux, responsable de ce dossier à la Mairie de La Rochelle, que ce changement de statut est nécessaire pour préserver le service public auquel elle est attachée.
Et d'ajouter: "Depuis la réforme de 1998, nous n'avons plus le monopole au niveau territorial. Dès l'année suivante, la régie des pompes funèbres avait perdu 50% de son activité. La concurrence est rude. Nous avons passé une convention pour une mise à disposition des autres communes de la Communauté d'agglomération, mais le privé s'est organisé. On sent bien que si on ne réagit pas, on va se faire entièrement dévorer par le privé".
Trois solutions s'offrent donc aux élus:
* Une Société d'Economie Mixte: donc avec du capital privé, ce que refuse la Municipalité de gauche de La Rochelle
* Une régie communautaire pour l'agglomération rochelaise. Formule non retenue. Pourquoi?
* Une Société Publique Locale: qui a "l'avantage, dit Marie-Lise Fleuret-Pagnoux, d'être une société à capital exclusivement public. Le conseil d'administration est composé d'élus des collectivités locales et la société se retrouve sous le double-contrôle d'un expert -comptable et d'un commissaire au comptess sous le regard de la Chambre Régionale des Comptes. Nous avns donc toutes les garantues." Le personnel, selon l'article de "Sud-Ouest" aurait à l'unanimité accepté ce choix. Sur 23 employés, 8 seraient détachés à la Société, "selon leurs voeux" "Leur parcours sera tout auusi sécurisé qu'auparavant. Mais l'avantage, c'est qu'on pourra valoriser la mission des employés en détachement" dit ML Fleuret-Pagnoux.
Un vrai débat citoyen sur l'avenir des services publics locaux:
Alors, porte ouverte à la privatisation de services publics locaux ou moyen législatif de garantir leur existance dans le cadre concurrentiel européen ? Et quelles garanties pour les personnels concernés? Le débat citoyen est nécessaire.
Henri Moulinier
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Elements du dossier, ci-dessous:
* Position du Syndicat CGT des personnels territoriaux de La Rochelle
* Analyse par le Moniteur de la loi du 28 Mai 2010 et contenu de la loi votée
* Extraits du rapport parlementaire du député M. Schosteck
* Position de Mme Assessi, sénatrice communiste (débat au Sénat le 4 juin 2009) et celle de Josiane Mathon-Poinat, Sénatrice du même groupe CRC-SGP lors du 2e débat au Sénat le 19 mai 2010.
* Tous les débats parlementaires sur cette loi: http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl08-253.html
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Position de la CGT des personnels territoriaux de La Rochelle:
"NON A LA PRIVATISATION,
NON AU DEVOIEMENT DU SERVICEPUBLIC, dit la CGT des personnels
Le Conseil municipal de La Rochelle va choisir (lundi 12 décemmbre 2011) de transformer le service des Pompes Funèbres en SPL, société Publique Locale, au prétexte que le cadre juridique actuel est trop pénalisant face à un durcissement de la concurrence.
Mais de quoi parle-t-on? une SPL est une société de droit privé, assujettie essentiellement au Code du Commerce, se passant du contrôle régulier des Chambres régionales des comptes; ce nouveau mode de gestion met à mal la règle de la séparation de l'Ordonnateur et du Comptable, règle de transparence des comptes publics.
Quelles sont donc les contraintes d'aujourd'hui qui légitimeraient ce changement au nom d'une plus grande souplesse et d'une modernisation de la gestion des services publics? les règles qui régissent les marchés publics sont-elles si lourdes? ne sont-elles pas justement les garants de la transparence?
Quand la Municipalité vient de nous parler de la réputation d'excellence des services municipaux (CTP), et qu'elle réorganise les directions générales en s'appuyant sur une nécessaire adaptation à une évolution du contexte économique et administratif plus contraignant, elle nous dit devoir renforcer la sécurité juridique et les décisions de la Ville. Dès le lendemain, elle fait le contraire en délégant un service à une SPL. Où sera donc la plus grande sécurité juridique? Et si on adapte un jour les services, comment les accuser de lourdeur le lendemain?
Les pompes funèbres ont déjà fait la preuve auprès de la population d'un service fiable et avantageux pour tous, même face à la concurrence.
* " Il ne faut pas se tromper, mesdames et messieurs les élus, il s'agit bien ici d'un service public rendu aux usagers et non d'un commerce ... Les régies directes savent être efficaces, réactives et sûres.
*Quant aux agents, ils relèveront du droit privé; les personnels actuels doivent choisir le détachement ou la mise à disposition; on leur fait miroiter une soi-disant filière funéraire; est-ce à dire des émoluments directement rattachés aux bénéfices de la société? Les recrutements à venir ne dépendront plus du statut de la Fonction Publique Territoriale et le népotisme déjà en vigueur dans certaine collectivité pourrait devenir la règle.
Ce sont ces élus de gauche, se disant défenseurs du service public qui détricotent le statut.
*Parallèlement, les élus siégeant au conseil d'administration se verront rémunérés. Serait-ce l'explication de cette volonté à privatiser un service qui fonctionne.
*Les SPL peuvent être des modes de gestion librement choisis par les élus pour de nombreuses activités aujourd'hui municipales, on est donc en droit de s'interroger sur les prochains services qui feraient l'objet d'une privatisation déguisée, comme l'eau, les restaurants scolaires, ....
Le syndicat CGT des personnels territoriaux de La Rochelle s'affirme contre l'externalisation de ses services et pour un véritable service public rendu aux usagers dans la plus grande transparence; elle se prononce également contre la casse du statut de la FPT (fonction publique territoriale) »
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Sociétés publiques locales: analyse du "Moniteur"
JD | 31/05/2010 | 11:47 | Etat et collectivités
La loi sur les sociétés publiques locales vient de paraître au Journal Officiel du 29 mai 2010.
Les SPL sont des sociétés anonymes, régies par le Code du commerce. Leur capital est détenu à 100% par au moins deux collectivités territoriales (ou leurs groupements). De ce fait, elles n'auront pas à être mises en concurrence (contrairement aux SEM qui, par la simple présence d'au moins un actionnaire privé dans leur capital, évoluent dans le champ de la concurrence). Pour chaque projet, le gain de temps est estimé entre 3 et 6 mois environ. En contrepartie, les SPL ne pourront travailler que pour leurs seuls actionnaires et uniquement sur leurs territoires.
Leur champ d'intervention, bien que limité aux strictes compétences des collectivités locales, s'annonce très vaste : opérations d'aménagement et de construction ; exploitation de services publics à caractère industriel ou commercial (assainissement, distribution de l'eau potable, transport de voyageurs, gestion d'équipement sportifs...) ou autres activités d'intérêt général. Pour éviter tout dérapage, la loi a posé des verrous: interdiction de créer des filiales ; de prendre des participations ou de faire figurer des établissements publics parmi les actionnaires...
Pour retrouver la loi du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales, cliquez ici : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022275355&fastPos=1&fastReqId=895807014&categorieLien=id&oldAction=rechTexte . Vous trouverez ci-dessous l’article Ier de cette loi du 28 Mai 2010.
JD | Source LE MONITEUR.FR
Source : http://www.acrimed.org/IMG/article_PDF/article_a3721.pdf
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JORF n°0122 du 29 mai 2010 page 9697
LOI n° 2010-559 du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales (Extrait)
L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article 1
Le livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un titre III ainsi rédigé :
« TITRE III SOCIÉTÉS PUBLIQUES LOCALES
« Art.L. 1531-1.-Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital.
« Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général.
« Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres.
« Ces sociétés revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce et sont composées, par dérogation à l'article L. 225-1 du même code, d'au moins deux actionnaires.
« Sous réserve des dispositions du présent article, elles sont soumises au titre II du présent livre » (...)
Fait à Paris, le 28 mai 2010.
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Extrait du rapport parlementaire de M. SCHOSTECK, député
(rapport déposé le 3/2/2010)
http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r2277.asp
– LE DROIT COMMUNAUTAIRE EXEMPTE LES COLLECTIVITÉS LOCALES D’OBLIGATIONS CONCURRENTIELLES POUR LEURS « PRESTATIONS INTÉGRÉES »
Les évolutions de la jurisprudence communautaire, depuis une dizaine d’années, ont permis de dégager, puis de préciser les contours juridiques de la notion de « prestations intégrées », qui a ouvert la voie à un assouplissement des conditions d’intervention économique des collectivités territoriales. Celles-ci sont, en effet, autorisées à confier des activités économiques à des sociétés, sans les mettre en concurrence, dès lors qu’elles les détiennent totalement et contrôlent réellement leur activité : la société, entièrement publique, peut alors être considérée comme le prolongement des collectivités locales concernées.
1. Les grands critères dégagés en 1999 par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes
La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) exerce un contrôle attentif sur la législation des Etats membres, afin d’éviter qu’elle ne porte atteinte aux exigences communautaires en matière de droit de la concurrence, destinées à préserver la fluidité, la transparence, la compétitivité et l’interdépendance des économies européennes. Toutefois, loin de privilégier une approche étroitement dogmatique de ces questions, la CJCE a dégagé, le 18 novembre 1999, dans un arrêt Teckal Slr c/ Commune di Viano, les critères permettant d’exempter le pouvoir adjudicateur – en l’occurrence une collectivité locale – de l’obligation de mettre en concurrence une société à qui il souhaite acheter une prestation. Afin d’éviter que cette dérogation ne fausse le fonctionnement de la concurrence entre les sociétés privées, son bénéfice suppose que deux conditions cumulatives soient satisfaites :
– d’une part, la collectivité doit « exerce[r] sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services » (...)
III. – LA PROPOSITION DE LOI SÉNATORIALE COMPLÈTE UTILEMENT CETTE DÉMARCHE EN INSTITUANT LES SOCIÉTÉS PUBLIQUES LOCALES, TOUT EN MODERNISANT LES SPLA
La proposition de loi adoptée par les sénateurs le 4 juin 2009 présente un double intérêt :
– elle modernise le statut des SPLA, en les pérennisant et en permettant aux collectivités locales qui les contrôlent de leur déléguer l’exercice d’importantes prérogatives en matière d’aménagement ;
– elle crée dans notre droit les sociétés publiques locales (SPL), qui complèteront l’éventail des solutions juridiques offertes aux collectivités pour confier à des acteurs spécialisés des activités d’intérêt général sans inscrire leur action dans une logique concurrentielle.
L’initiative de ces modifications législatives a été partagée entre les parlementaires des principaux groupes de la majorité et de l’opposition, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ce qui témoigne de l’existence d’un réel consensus politique à son égard. Ainsi, au Sénat, le texte de la proposition de loi n° 253 pour le développement des SPL, déposée par M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste le 5 mars 2009, proposait la création de SPL en des termes identiques à ceux proposés par la proposition de loi n° 133 de M. Jean-Léonce Dupont et douze de ses collègues relative aux SPL, déposée dès le 11 décembre 2008. Il en a été de même à l’Assemblée nationale : la rédaction de la proposition de loi n° 1303 relative aux SPL, déposée par notre collègue Jean-Pierre Balligand et les membres du groupe SRC le 9 décembre 2008, était identique à la proposition de loi n° 1284 relative aux SPL, déposée la veille par votre rapporteur et quinze de ses collègues membres du groupe UMP.
Ce consensus s’étend également aux élus locaux, premiers concernés par cette modalité de gestion des activités économiques des collectivités qu’ils administrent. En effet, votre rapporteur a consulté les principales associations d’élus locaux (Association des maires de France, Assemblée des communautés de France, Assemblée des départements de France et Association des régions de France), ce qui lui a permis de constater que toutes approuvaient la création des SPL. Il ne s’agit donc nullement d’une démarche partisane, mais seulement d’un moyen de diversifier les outils permettant aux collectivités locales d’exercer leur libre administration en matière économique. Au-delà des milieux politiques, la Fédération des entreprises publiques locales (FEPL), dont votre rapporteur a entendu les représentants, apporte également son soutien à ce changement – face auquel certains groupes privés très implantés dans les secteurs d’activité correspondants, craignant sans doute une réduction des commandes qui leur sont adressées par les collectivités, demeurent en revanche plus réticents.
Alors que les collectivités ne peuvent actuellement mettre à profit la jurisprudence communautaire applicable aux « prestations intégrées » que pour confier des opérations d’aménagement aux sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA) créées en 2006, l’article 1er de la proposition de loi élargit considérablement ces perspectives d’intervention non concurrentielle, en créant des SPL dont l’objet pourra être beaucoup plus varié. Ce nouvel outil privilégie une approche non plus spécialisée, mais générale, de la mise en place par les collectivités de structures publiques dont elles ont le contrôle exclusif et qui peuvent, pour cette raison, être considérées comme leur prolongement économique.
À l’instar des sociétés d’économie mixtes locales (SEML), les SPL pourront ainsi être chargées d’effectuer, pour le compte des collectivités et groupements de collectivités qui les détiennent, toute activité d’intérêt général, et non de seules opérations d’aménagement. De même, les SPL seront dotées d’un régime identique à celui des SEML en matière de représentation des collectivités au sein des organes dirigeants de la société, de contrôle de son activité, de ses actes et de ses comptes.
En revanche, contrairement à celui des SEML, le capital des SPL sera totalement public, conformément aux exigences du régime des « prestations intégrées » précisées par la CJCE dans son arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005. Rappelons que de nombreuses collectivités locales, qui ne souhaitaient pas exploiter leurs services publics industriels et commerciaux (SPIC) par le biais d’une régie ou d’un établissement public, n’ont eu jusqu’ici d’autre choix que de créer des SEML, au sein desquelles la présence d’un actionnaire privé correspondait à une obligation juridique, mais nullement à une volonté politique. La simple existence d’une participation privée au capital de ces sociétés, même si elle reste souvent minime et ne joue aucun rôle réel dans leur fonctionnement courant, suffit actuellement à rendre obligatoire le recours aux procédures de mise en concurrence, dont la lourdeur et le coût ont déjà été soulignés. La création des SPL, par un minimum de deux collectivités ou groupements de collectivités (contre un minimum de sept actionnaires dans les SEML, en application de l’article L. 225-1 du code de commerce), leur permettra de s’affranchir enfin de ces contraintes concurrentielles injustifiées, tout en conservant un statut de société anonyme favorable à leur efficience. En offrant aux collectivités locales l’opportunité de créer ces sociétés entièrement publiques, la France rejoindra une situation déjà très répandue au sein de l’Union européenne, puisque le capital des entreprises publiques locales est déjà, le plus souvent, totalement public dans des pays tels que l’Espagne, l’Autriche, la Grèce, le Portugal, la Suède ou la Finlande.
Ces SPL ne seront toutefois autorisées à intervenir que sur le territoire des collectivités et groupements à l’origine de leur création, afin d’éviter une diversification de leurs activités qui contreviendrait aux exigences fixées par l’arrêt Teckal rendu en 1999 par la CJCE. A défaut, il serait difficile d’assurer le respect de la seconde condition à satisfaire pour qu’une société puisse bénéficier du régime des « prestations intégrées » en étant considérée comme le prolongement des personnes publiques qui l’ont créée : rappelons que la société doit effectuer « l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ». En pratique, de nombreuses SEML, qui interviennent dans les secteurs du logement, du transport, de l’environnement ou du sport, sont déjà dans cette situation : il suffira donc pour les collectivités locales de racheter les participations privées à leur capital pour les transformer en SPL conservant les mêmes activités.
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Position de Mme Eliane Assassi, sénatrice communiste au nom du Groupe CRC-SPG
(Compte-rendu intégral des débats au Sénat le 4 Juin 2009 sur le projet de loi sur les S.P.L. - voir le site du Sénat)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est pas la première tentative pour mettre nos pratiques d’aménagement en conformité avec la jurisprudence européenne.
Par le passé, nos collègues communistes et socialistes de l’Assemblée nationale ont déjà tenté de rétablir le droit pour les collectivités locales de bénéficier du régime « in house »,qui prévalait autrefois dans les projets d’aménagement.
En effet, depuis le début des années 2000, la Commission européenne a remis en cause les contrats de mandat passés entre les personnes publiques et les sociétés d’économie mixte, en critiquant la loi du 12 juillet 1985 relative à la maitrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée et en déclarant contraire aux directives communautaires certaines de ses dispositions. Selon la Commission, ces contrats de mandat devaient respecter une procédure préalable de publicité et de mise en concurrence, étant assimilés à des prestations de service de droit commun.
Toujours prompte à appliquer les sacro-saintes règles de la concurrence partout où elle le peut, la Commission européenne a, de fait, limité considérablement le champ des possibles pour les collectivités locales, désormais obligées de passer par les règles du marché et de l’appel d’offres, quand bien même elles disposeraient d’une SEM au sein de laquelle elles seraient supra-majoritaires et qui ne travaillerait que pour les collectivités actionnaires.
C’est donc pour se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne qu’ont été créées les sociétés locales publiques d’aménagement, les SPLA, par loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement. Force est de le constater, trois ans plus tard, le résultat est plus que mitigé. Du fait de la complexité de leurs règles de création et de leur champ d’action très limité, ces SPLA n’ont pas su occuper la place laissée vacante par les SEM.
Désormais, les élus locaux souhaitent donc de nouveaux outils pour développer leurs territoires. En effet, il est des domaines d’activités autres que l’aménagement où l’existence de sociétés 100 % publiques présenterait le même intérêt que les SPLA. Nombre de sociétés d’économie mixte ne travaillent que pour leurs collectivités actionnaires, pour le compte desquelles elles exploitent un service ou un équipement publics. Il en va ainsi dans les domaines de la construction et de la gestion de logements, de l’eau et de l’assainissement, du stationnement ou des transports. Il convient de noter que le règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route définit la notion d’« opérateur interne » de la manière suivante : « une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité locale compétente ou, dans le cas d’un groupement d’autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ».
De nombreuses SEM agissant dans ces secteurs correspondent bien à une telle définition.
Il convient donc d’étendre le dispositif à d’autres domaines d’activités que l’aménagement, afin que les élus locaux puissent avoir à leur disposition, dans tous les domaines de compétence visés par la loi, l’outil leur permettant d’appliquer pleinement le droit communautaire et le principe de libre administration des collectivités territoriales.
À cela, il faut ajouter que la gestion d’un service public sous la forme d’une société anonyme détenue par les collectivités territoriales offrirait à celles-ci des avantages indéniables en termes d’efficacité, de réactivité et de sécurité, avantages dont les solutions juridiques disponibles, comme la création d’un établissement public ou d’une association loi 1901, sont dépourvues.
Enfin, le texte proposé tire les enseignements pratiques de l’expérimentation des sociétés publiques locales dans le domaine de l’aménagement, en permettant aux collectivités territoriales de déroger au code de commerce qui impose, s’agissant des sociétés anonymes, un minimum de sept actionnaires. Cette obligation peut se heurter à des difficultés réelles lorsque la société a pour objet la réalisation d’un projet ou la gestion d’un équipement intéressant un nombre inférieur de partenaires publics.
Cependant, même si elles sont dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales ne viendront pas se substituer aux sociétés d’économie mixte, dont le statut conservera toute son attractivité dès lors que des collectivités territoriales voudront s’associer à des partenaires privés pour entreprendre en commun des projets d’intérêt général.
En somme, cette proposition de loi a pour objet d’adapter les SEM à la législation européenne pour qu’elles puissent continuer leur activité comme elles le faisaient auparavant. Cela permettra d’offrir à nouveau aux collectivités locales la possibilité de mener à bien leurs politiques d’aménagement.
Dès lors, nous ne pouvons qu’accorder notre crédit à cette proposition de loi. Nous avons donc décidé de voter en sa faveur.(Applaudissementssur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
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Et celle de la Sénatrice CRC-SGP Josiane Mathon-Poinat ( sénatrice communiste) lors du 2e débat au Sénat le 19 Mai 2010
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette période où les collectivités locales sont particulièrement malmenées, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui fait figure d’exception.
En effet, a contrario de la réforme des collectivités territoriales, ce texte concrétise une attente forte des élus locaux et répond à l’une de leurs préoccupations essentielles : conforter le principe de leur libre administration.
Un autre aspect est remarquable. En voulant tirer les conséquences de l’évolution de la jurisprudence européenne et reconnaître aux collectivités locales la possibilité de bénéficier du régime in house, ce texte s’oppose au dogme des obligations concurrentielles et revient sur la remise en cause, par la Commission européenne, des contrats de mandat, passés entre les personnes publiques et les sociétés d’économie mixte.
Cette double singularité doit être notée, tant il est rare qu’un texte soit débattu et voté alors même qu’il déroge à l’idéologie libérale dominante.
Par le passé, nos collègues communistes et socialistes de l’Assemblée nationale ont bien tenté, mais sans succès, de rétablir le droit, pour les collectivités locales, de bénéficier du régime un peu spécial du in house, qui prévalait naguère dans les projets d’aménagement. Il a fallu attendre 2006 et la loi portant engagement national pour le logement pour que soit réintroduite la possibilité, pour les collectivités, de disposer à nouveau d’outils d’aménagement, via la création de sociétés publiques locales d’aménagement, ou SPLA.
Toutefois, comme nous l’avions dit en première lecture, du fait de la complexité de leurs règles de création et de leur champ d’action très limité, ces nouvelles structures n’ont pas su occuper la place laissée vacante par les sociétés d’économie mixte, les SEM.
C’est le succès plus que mitigé de ces fameuses SPLA qui a conduit les promoteurs de la présente proposition de loi à suggérer la création des SPL, dotées d’un champ de compétences élargi.
Ce texte tire les enseignements pratiques de l’expérimentation des sociétés publiques locales dans le domaine de l’aménagement. Ainsi, il a été proposé de permettre aux collectivités territoriales de déroger au code de commerce qui impose, s’agissant des sociétés anonymes, un minimum de sept actionnaires. Cette obligation faisait obstacle à la réalisation d’un projet ou à la gestion d’un équipement intéressant un nombre inférieur de partenaires publics.
En première lecture, nous avions approuvé cette dérogation. Nous approuvons également les modifications qui ont été apportées depuis, notamment la possibilité pour les SPL de bénéficier de la jurisprudence communautaire relative aux prestations intégrées dans les mêmes conditions et pour les mêmes motifs que les établissements publics. La possibilité ainsi offerte aux collectivités de confier la gestion des services publics à des sociétés anonymes qu’elles détiendront intégralement sera un gage d’efficacité, de réactivité et de sécurité juridique.
Dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales vont compléter utilement la boîte à outils des élus locaux afin de permettre à ceux-ci de mieux répondre aux besoins des populations et des territoires.
Nous nous réjouissons qu’un tel texte, qui va à contre-courant des dogmes de l’économie libérale, fasse l’objet d’un tel consensus.
Permettez-moi d’ajouter que s’il est cohérent pour notre famille politique de voter ce texte, il n’en va pas nécessairement de même pour la majorité. Cela montre bien, à notre sens, les limites théoriques et pratiques des promoteurs de la privatisation à outrance et de la mise en concurrence systématique.
Nous voterons donc la présente proposition de loi, en sachant combien les entreprises publiques locales constituent un levier de développement indispensable au service des territoires et de leurs habitants. L’enjeu est de réaffirmer aussi, à travers cet outil, la valeur fondamentale de la notion de service public, dont on sait à quel point elle est aujourd’hui menacée.(Applaudissementssur les travées du groupe CRC-SPG ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)