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30 août 2008 6 30 /08 /août /2008 05:10

Je vous propose de lire, méditer et commenter cette analyse de

Jacques Fath, responsable du PCF, chargé des Relations internationales

en date du 15.05.2008

 

1968 et le Monde

 

Quand on regarde ce qui se passe en 68, et dans cette période, sur le plan international on comprend vite qu’il faut dépasser les questions simples.

Est-ce qu’il y a, ailleurs qu’en France, des événements semblables? Est-ce qu’il y a des spécificités françaises? Qu’est-ce qui s’est passé en 68 sur le plan international?.La portée évidente des événements nous conduit à poser des questions de fond.

 

La grande question internationale c’est la guerre du Vietnam. Pour sa signification historique. Elle marque un rapport de force, la montée du mouvement de libération au Sud et l’affirmation du courant de décolonisation. Il y a beaucoup à dire sur la question.

La grande affaire pour le PCF c’est le printemps de Prague. Dubcek annonce vouloir «créer un socialisme qui n’ait pas perdu son caractère humain». Waldeck Rochet et la direction soutiennent le processus. Le PCF exprimera  une réprobation de l’intervention militaire soviétique mais, in fine, c’est l’acceptation de la normalisation.

Waldeck Rochet refuse l’intervention mais il ne veut pas diviser le Mouvement communiste international. Cette ambivalence traduit aussi refus de distancer du modèle soviétique.

 

Le PCF bouge mais dans les limites strictes. Il se divise aussi.

 

Les communistes semblent majoritairement pour l’intervention: on entend souvent la formule «si les Soviétiques font ça c’est qu’ils ont leurs raisons». C’est une sorte d’ acte de foi, une forme d’aveuglement qui traduit l’attachement sans esprit critique à l’URSS et à la forme du parti-guide. Avec en plus l’idée que le parti est doté d’une doctrine scientifique. Donc il a forcément raison….

On peut discuter du rôle intéressant de Waldeck Rochet qui tentera ses bons offices. Le parti intervient auprès des soviétiques. Il déploie une activité internationale importante. Il veut éviter l’intervention. On dit que les soviétiques auraient donné au PCF l’assurance qu’ils n’interviendront pas. C’est cependant ce qui se passe.

Waldeck Rochet est furieux. A t’il cru le PCUS sur parole? Ca ne change pas, de toutes façons, le jugement d'alors du PCF sur l’URSS et sur son rôle dans le monde.

 

En fait, plus généralement, on constate 3 choses importantes:

 

1.     il y a ce que le PCF ne voit pas dans ces mouvements de 68: une forme de révolution culturelle. C’est le retard sur le sociétal, l’exigence démocratique et l'évolution de la société française.

-       On sait ce qui est alors mis en cause: le travail, la famille, les institutions, le productivisme, les dominations dans leur diversité, les autorités, les hiérarchies…

-       Au bénéfice de l’exigence de liberté, humanisme, féminisme, écologie (c’est le début…).

 

On observe, et c’est cela qui est important, des rejets et des aspirations qui convergent dans le monde et en Europe au-delà des systèmes à l’ Ouest comme à l’ Est.

Mais cette contestation/révolution prend des formes  différentes: on revendique une forme de révolution sociale à l’ Ouest, on veut en sortir ou sortir de la conception existante à l’ Est. On entend: «élections pièges à con…» à l’ Ouest, mais la démocratie représentative est une référence qui compte dans l'opposition à l’ Est.

Partout on cherche à refaire/repenser la société en terme de libertés: moins de censures et plus de démocratie.

 

C’est une montée de l’exigence démocratique et une aspiration aux libertés que le PCF n’a pas saisi car trop imprégné du modèle soviétique.

Il n'a pas vu que la démocratie est le moteur du changement social. Alors qu'on le constate d’ailleurs aussi dans le puissant mouvement de grèves et de luttes sociales.

 

2.     68 c’est aussi un changement de dimension.

 

-       Avec les années 60, on vit désormais dans un monde fini. Dans un système de relations internationales qui n’est plus fragmenté. Tous les événements réagissent les uns sur les autres. Ils ont des résonances dans l’ensemble du monde… C’est le fruit de la deuxième guerre mondiale. L’Humanité vit une seule et même histoire.

-       L’ONU, comme organisation universelle, pousse à cette unicité, comme le rôle des deux super- puissances. Tous les problèmes deviennent ceux de tout le monde. Le Printemps de Prague, c’est le problème de tout le monde. C’est un facteur de tensions internationales.  C’est un évènement qui casse la logique des blocs, qui touche à l’équilibre stratégique et à la situation militaire internationale donc pas seulement en Europe. C’est d’ailleurs cela aussi – notons-le au passage - que Waldeck Rochet ne peut pas surmonter dans sa vaine tentative de bons offices. Il se heurte aux réalités stratégiques très structurantes du monde divisé en blocs antagoniques.

-       Mai 68, c’est dans la rue que ça se passe… mais c’est aussi au Vietnam, en Chine, à Cuba…

-       C’est quelque chose d’objectif: la mondialisation  qui s’annonce. C’est aussi quelque chose de subjectif avec une nouvelle perception partagée du cours des événements, et des solidarités qui s’affirment. La jeunesse voit et rejette la guerre au Vietnam. Elle se souvient de la guerre en Algérie…

 

Mais le changement de dimension n’est pas que politique. Il touche aussi  au personnel et à l’individu. C’est l’affirmation –on le sait- de l’individualisme et de la quête de libertés. Avec justement de nouvelles dimensions: la sexualité, la psychanalyse…

C’est l’affirmation aussi de la dimension planétaire avec à la fois le débat sur l’exigence écologique et les débuts de la conquête spatiale. L’être humain accède à des dimensions auxquelles il n’avait pas accès auparavant.

Alors, quand on écrit en 68: «il faut vivre sans limites»… on affirme cela dans un esprit hédoniste mais c’est peut être aussi de ce changement de dimension dont il s’agit: on aborde un monde fini avec une vision de la place de la personne jusqu’à la planète. Est-ce qu’on ne touche pas à un nouvel universalisme en formation?. Une nouvelle forme du rapport de l’Homme au monde et en société?

 

3.     68 enfin, c’est un changement de période historique qui s’annonce.

Les années 60 c’est aussi le début de la révolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dans un cadre d’internationalisation du capital…

Avec ce développement du capitalisme, c’est le nouvel état du monde qui se profile déjà. 68 c’est donc un monde qui commence à bouger dans sa globalité.

Il faudra attendre encore 20 ans (les années 90) pour que ce monde nouveau devienne une réalité d’ensemble. Nous y sommes. Nous vivons un nouvel état du monde issue de trois facteurs essentiels qui se sont construits à partir des années 60:

   - la chute du mur, comme bouleversement géopolitique et écroulement d’un modèle,

   - l’extension de la marchandisation capitaliste à la planète

   - et un formidable essor des NTIC comme base d’une mutation des rapports sociaux, d’une mutation du rapport des êtres humains au travail … une transformation qui appelle partout  une croissance des savoirs et de la démocratie, des sociétés de la connaissance partagée. Une transformation profonde que ni le socialisme réel, ni le capitalisme n'ont maîtrisé et valorisé pour la réponse aux attentes sociales des peuples.

Ainsi nous sommes en train de changer de civilisation. C’est un changement qui a commencé dans les années 60. En 1968, on n’avait pas conscience du monde qui allait s’ouvrir. On avait plus ou moins clairement conscience du monde que l’on ne voulait plus. Il est vrai que le PCF n’a pas saisi les changements sociétaux en cours…Mais personne (comme force politique) n’a compris la mutation fondamentale qui s’annonçait.

 

Dernière remarque: lorsque Nicolas Sarkozy dit: «il s’agit de savoir si l’héritage de mai 68 doit être perpétué ou liquidé une bonne fois pour toutes», tout le monde comprend qu’il vise les acquis sociaux, l’esprit de lutte, de contestation et de révolte. C’est un défi politique.

Mais 68 c’est quoi? C’est un puissant mouvement social. C’est une forme de révolution culturelle. C’est l’annonce d’une nouvelle civilisation, un changement du rapport de l’être humain en société et au monde.  68 s’inscrit donc dans la politique mais aussi dans la mémoire, dans l’histoire et dans la philosophie… Et celui qui va liquider ça n’est pas encore né.

 

 

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  • Adjoint au maire honoraire de La Rochelle. Ancien professeur de lycée en S.E.S. et chargé de cours d'éco Université de La Rochelle. Docteur en histoire. Militant LDH La Rochelle.
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