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8 novembre 2014 6 08 /11 /novembre /2014 17:27

Le 24 octobre 2014, le port de pêche de Chef de Baie fêtait ses 20 ans : quel bilan peut-on en tirer ?

Dans les années 1980, l’ancienne halle à marée en centre ville de La Rochelle n’était pas conforme aux nouvelles normes européennes. La chambre de commerce et d’industrie de La Rochelle, dès septembre 1987, décidait de créer un nouveau port, rejointe en 1988 par les élus des collectivités territoriales – ville, SIVOM, Conseil général et Conseil régional . Ensemble, ils entendaient « donner à la pêche les moyens d’une survie et d’une reprise d’activités conformes à la tradition de La Rochelle ». Le port de Chef de Baie était mis en service le 24 octobre 1994. Vingt ans après, qu’est-il devenu ? Quel est son avenir ?

L’obsolescence de l’ancienne halle à marée au vieux port

En mai 1984, un audit du port sur l’état de la halle à marée, commandé par le FIOM et le FROM à Jacques Menillo et Gilles Ponteix du GRESA, soulève plusieurs problèmes . Selon ce rapport, la halle aux bâtiments sombres et tristes n’était pas conforme aux normes sanitaires, ne possédait aucun générateur de glace, n’avait pas de bassin de décantation des eaux usées et les caisses de poisson restaient plusieurs heures alignées à température ambiante, sans glace, entre triage et mise en vente. L’organisation du travail pose problème. Les navires industriels n’annonçaient pas leur pêche, alors que les artisans commençaient à le faire. Les apports diminuant, le nombre d’heures effectuées par le personnel de la halle, dont l’effectif était demeuré constant, augmentait, pesant sur les taxes perçues par la CCI. Les ententes de mareyeurs sur un même lot permettaient de faire pression sur les prix. Le rapport ne mettait pas en cause le directeur de la halle. Mais les pertes d’exploitation n’encourageaient pas la chambre de commerce et d’industrie à investir. Par ailleurs, il mettait en évidence une augmentation des espèces industrielles au détriment des espèces fines, à chair blanche, qui stagnaient. La qualité était globalement médiocre, car le travail d’étripage était mal fait à bord des navires et le poisson s’altéraient rapidement. Les marées étaient trop longues, 85 % durant quatorze jours et plus. L’irrégularité des apports provoquait un effondrement des cours dès qu’ils sont trop importants. Pour compenser les problèmes de coût d’exploitation, les pêcheurs jouaient sur la quantité et non sur la qualité, travaillaient pour faire du tonnage. Toujours selon le rapport Menillo, le FROM était installé dans des locaux sombres, difficilement accessibles. Quant aux mareyeurs, au nombre de 60, 25 avaient une activité importante compte tenu des apports de poisson venant d’autres ports, l’interport, et des divers aspects de commercialisation des produits de la mer .

Le tableau était très sombre, voire exagéré , mais les auteurs du diagnostic trouvaient des raisons d’être optimistes. C’était l’occasion de mettre en place une « structure rigoureuse, bien adaptée au marché actuel, capable de promouvoir un centre de distribution du poisson provenant soit de la pêche, soit de l’interport ou de l’importation ». Les auteurs proposaient une production mieux organisée, une nouvelle organisation du marché, une politique de promotion institutionnelle et la création d’un outil coopératif. Pour améliorer la production dont tout le reste dépendait, il fallait une flottille suffisante de bateaux de 24 à 30 m apportant un poisson de qualité par des marées de 13 jours au maximum, triant le poisson à bord et le mettant dans des caissettes d’identification pour économiser le tri au port et conserver la qualité du poisson pêché dans les derniers jours de la marée. Il était nécessaire d’apporter des transformations importantes à la halle à marée pour éviter une rupture de la chaîne de froid.

Cela passait par l’automatisation de la criée. Les caisses de poisson installées sur des palettes à la sortie du bateau voyageraient sur un tapis roulant jusqu’à une chambre froide où elles seraient stockées en attendant la mise en vente. Les cours devraient être transparents et la qualité valorisée. La création d’une vente en criée vers 16 heures pourrait être intéressante pour les coureauleurs. Les locaux des bureaux des services de la criée, du FROM, des syndicats professionnels devraient être complètement remodelés, aménagés avec des cloisons vitrées pour assurer une transparence totale. Alors devrait intervenir une autre étape de valorisation du poisson avec la création d’une unité écologique de filetage, transformation, conditionnement, surgélation dans les locaux jadis réservés aux pêcheries des grands armements. Parallèlement, il serait nécessaire d’entreprendre une politique de promotion du port de pêche. Enfin, pourrait être envisagée la création d’un outil coopératif de mareyage, pour occuper le créneau commercial des grandes surfaces délaissé par les mareyeurs . Le transfert du port : non préconisées par le rapport Menillo Cet audit ne prévoyait pas que la création d’un nouveau port de pêche.

Deux autres solutions étaient envisagées : le réaménagement de la halle à marée sur place et la construction d’un nouvel encan sur le quai vis-à-vis du bassin des chalutiers, qui longe la Ville-en-Bois.

Déjà, en septembre 1985, l’initiative publique de rentrée de M. Crépeau faisait quelque bruit dans les milieux de la pêche puisqu’il proposait de transférer purement et simplement les installations de pêche au port commercial de La Pallice, dans le bassin à flot, donnant accès à l’ancienne base sous-marine . Cette déclaration était accueillie par l’ensemble des intéressés avec un certain scepticisme car on parlait de ce transfert depuis 1922. Les arguments du maire en faveur d’un tel transfert étaient forts : le port actuel avec son bassin à flot accessible uniquement quelques heures par marée haute était un handicap et les installations de la halle étaient vétustes et inadaptées, ce que soulignait l’audit Menillo .

Après deux ans d’hésitation et de réflexion, la chambre de commerce prenait enfin sa décision en septembre 1987. La chambre consulaire choisissait la solution la plus coûteuse, celle de la construction d’un nouveau port, ce qui représentait une somme de 258 millions de frs. Elle confiait à Marie-Pierre De Joux, chargée de mission, le soin de monter le dossier et de chercher les financements .

Michel Crépeau ne partageait pas cette solution, trop coûteuse et infinançable, de construction d’un nouveau port à Chef de Baie, lui qui proposait le transfert des activités de pêche au port de commerce existant, à La Pallice : « L’optimisme excessif, je le trouve dans la démarche de ceux qui confondent la proposition que j’ai faite de reconstruire l’encan à La Pallice, avec la création d’un nouveau port de pêche à Chef-de-Baie. C’est tout à fait déraisonnable ; parce que beaucoup trop coûteux et donc infinançable, aussi bien par la CEE que par l’Etat ou la chambre de commerce. Trouver 50 millions pour un bâtiment, c’est possible, 100 ou 150 millions pour un port, ça ne l’est pas. Donc, toute autre solution que l’utilisation du bassin à flot de La Pallice et de l’avant-port consiste à torpiller le projet. L’argent que l’on peut obtenir, il faut l’utiliser pour financer des bateaux, une halle à marée moderne et des industries en aval. Pas pour construire des linéaires de quai ou des digues à coup de milliards que nous n’aurons jamais ».

Mais les atouts d’un nouveau port étaient nombreux selon la chambre de commerce : la possibilité de décharger le poisson immédiatement après la pêche, l’accès 24 heures sur 24 pour les chalutiers, chambre froide maintenue à 0° C, des bâtiments construits aux normes européennes, des aides techniques à la manutention et au tri du poisson, une zone de réparation navale, un élévateur à bateaux de 300 t avec terre-plein pour cinq bateaux. La CCI y croyait .

Un projet de transfert contesté

Le 20 juillet 1994, juste avant la mise en service du nouveau port, Élian Castaing le directeur de la SCAPIR, petit-fils du grand armateur F.J. Castaing, émettait publiquement quelques doutes : « Bien sûr, certains chalutiers de pêche artisanale sont assez importants pour pêcher dans des proportions quasi-industrielles, mais c’est quand même différent. Je ne pense pas qu’il y ait à nouveau un chalutier industriel à La Rochelle avant longtemps. Même à Chef-de-Baie ».

Beaucoup de patrons-pêcheurs furent également pessimistes pour leur activité artisanale. Pour Thierry Raffegeau, de la SOGESMAT , « le nouveau port apportera sans doute quelques améliorations des conditions de travail, mais il ne réglera pas les problèmes financiers des nombreux bateaux en difficulté » .

Gérard Cognacq, directeur de la halle à marée, exprimait dans une interview au journal Le Monde son opinion sur ce projet de transfert du port en 1990 : « Soyons réalistes, dit-il, nous n’avons pas les moyens de faire le port le plus moderne d’Europe. Beaucoup de mareyeurs ne pourront assumer l’augmentation de la location et les taxes supplémentaires. Il y aura aussi des compressions de personnel. Il fallait choisir de rénover, moderniser la criée… ». Il ajoutait : « Tout ça, c’est une histoire politique. En centre-ville, le port gêne l’aménagement et le tourisme … ». Michel Crépeau ne le conteste d’ailleurs pas qui selon le même article déclarait alors que « le départ du port va en effet nous permettre de poursuivre l’aménagement, notamment de libérer les bassins pour le Grand Pavois. Quant aux compressions de personnel, elles seront largement compensées par les nouvelles activités qui vont naître autour du port » . La prise de position de G. Cognacq lui vaudra une sévère mise au point du maire de La Rochelle : « Je comprends fort bien que le transfert du port de pêche à La Pallice puisse susciter chez certains d’entre eux [les professionnels] des inquiétudes. Mais il ne faut pas qu’après nous avoir reproché de ‘ne rien faire pour la pêche … et tout pour la plaisance’, on nous reproche maintenant d’en faire trop ! J’ai pourtant lu ça dans Le Monde, dit par M. Cognacq, directeur de la halle à marée : quelqu’un qui aurait assurément mieux fait de se taire. N’est-il pas payé pour proposer des solutions, et non pour mettre des bâtons dans les roues ? ».

Le nouveau port de Chef de Baie : coûteux et surdimensionné

Le projet était basé sur des apports attendus de 10 000 tonnes annuelles. L’État assurait la maîtrise d’ouvrage pour les infrastructures - digues, remblaiement, quai - pour un coût s’élevant à 112 millions de frs et participait à l’ensemble des travaux à hauteur de 11,2 %, soit 29 millions de frs. La Communauté Économique Européenne apportait 18 % du financement global, soit 46 millions de frs. Le complément était effectué à parts égales par le conseil régional, le conseil général et la communauté de villes : 14,6 % chacun, soit 37,5 millions de frs. Les superstructures, dont l’élévateur à bateau, revenaient à 145 millions de frs.

Environ 70 millions de frs furent injectés dans l’économie rochelaise, en particulier par l’intermédiaire de l’entreprise locale Harranger qui réalisa les deux bâtiments principaux. L’ensemble couvrait 25 000 m². La CCI, concessionnaire des installations pour la pêche, assurait la maîtrise d’ouvrage pour les superstructures publiques et coordonnait l’ensemble du chantier sur les plans techniques et financiers. La société nouvelle Ducler réalisa les travaux d’infrastructures. Les deux digues de 200 et 500 m de longueur, qui ménageaient une entrée de 90 m de largeur, étaient achevées en décembre 1991. Le nouveau plan d’eau ainsi délimité occupait dix hectares, soit plus du double par rapport au bassin des chalutiers du centre-ville et autant que le bassin à flot de La Pallice. Pour le stationnement des navires avant déchargement, trois appontements en béton de 7 m de large étaient accessibles aux camions. A l’écart, la base de réparation navale située dans le bassin à flot de La Pallice s’acheva en 1994. Les superstructures - hall de tri, ateliers de mareyage, gare routière, etc.- furent terminées en janvier-février 1994 . Il réalisait sa première criée le 24 octobre 1994.

Le seul port de pêche de l’Atlantique répondant aux normes de qualité de la CEE Condamnée à réussir son pari, La Rochelle devait s’orienter vers la valorisation de la matière première et des sous-produits du mareyage. Pour cela, la CCI viabilisa une zone de douze hectares, Agrocéan, qui se situait à proximité de l’aéroport et du port de commerce et qui se trouvait desservie par une voie ferrée et la rocade routière. Un pôle, voire un complexe agro-alimentaire, étaient envisageables. Cette opportunité ne verra pas le jour . Chef-de-Baie, par ses installations, est alors le seul port de pêche atlantique répondant aux normes de qualité de la CEE. L’espoir était, qu’à terme, Chef-de-Baie devienne le port de débarquement pour de nombreux bateaux pêchant leurs quotas dans les zones 8 a et 8 b, celles qui quadrillent le plateau continental du golfe de Gascogne, de la Bretagne à la frontière espagnole, car il était placé au cœur de ce secteur .

Un an après : un port au fonds du gouffre

Depuis l’automne 1992, la chute des prix atteignait la France jusqu’à 40 % en raison des importations sauvages provenant de Russie, de Pologne ou du Chili, parfois en liaison directe avec les grandes surfaces qui représentaient 45,5 % du marché du poisson frais. L’attrait du marché espagnol avantageait le port de Pasajès qui, outre ses qualités nautiques et techniques – criée informatisée, chaîne de froid ininterrompue –, offrait des prix de vente sur le marché de consommation supérieurs de 40 % aux cours moyens rochelais malgré la dévaluation de la peseta. Si bien que les Rochelais, en plus des 7 000 t de la criée locale, débarquaient 1 300 t en Espagne et 500 t dans d’autres ports français. Enfin, la forte résistance des criées vendéennes concurrençait le potentiel rochelais .

Dès septembre 1995, après une année d’exploitation, alors que le nouveau port était « au fond du gouffre », titre Sud Ouest, un audit, réalisé par le cabinet Bernard Julhiet pour le compte de la CCI, mettait en évidence un montage financier mal ficelé, une gestion « insuffisamment stricte », de multiples erreurs de conception et surtout un surdimensionnement. Le déficit prévisionnel atteignait 18 millions de francs pour 1995, après les pertes de 13,4 millions de l’exercice antérieur. « Des pertes abyssales, au-delà du raisonnable et du tolérable » concluait le rapport . Il soulignait « l’évasion croissante » de la pêche rochelaise au profit des ports bretons et surtout espagnols où les chalutiers étaient assurés de mieux valoriser leur production. A Pasajes, par exemple, en juin 1995, on pouvait observer des écarts de prix importants sur des espèces significatives : + 38 % pour la langoustine, + 135 % pour le merlu vidé, + 147 % pour la sardine. La Rochelle n’offrait des cours supérieurs que sur la sole, + 19 %, ou le bar, + 17 %. Les mêmes experts épinglaient aussi le comportement des acheteurs, « les grossistes plus que les mareyeurs », accusés de généraliser les rétrocessions et d’acheter « au plus près du prix de retrait », alors que dans les autres ports où ils s’approvisionnaient ils achetaient au cours. Ces acheteurs reprochaient à la CCI rochelaise de les avoir entraînés dans une « aventure coûteuse ». D’où l’écœurement de certains pêcheurs qui devenaient aussitôt candidats au débarquement dans d’autres ports . Le déclin des apports se poursuivait les années suivantes pour passer sous les 4 000 t, alors que le port est prévu pour 10 000 t. Le port pouvait-il sortir de cette impasse ?

J.-C. Menu, Président du Syndicat des armateurs à la pêche, revenait, avec insistance, sur son cheval de bataille, « la restauration de la ressource noble de proximité par le strict respect des réglementations », ce qu’il ne cessa de répéter .

Vingt ans après, où en est le port de Chef de Baie ?

L’activité du port, en termes d’apports de poissons, a diminué de plus de 50 % en deux décennies, passant de 5 416 t en 1994 à 2 715 t en 2013, loin des 10 000 t attendues lors de la décision de lancer la réalisation.

En 2010, la criée de La Rochelle se situe au 22e rang national, loin derrière Lorient (26 038 t) et les ports bretons, avec un apport moitié moindre que celles des Sables d’Olonnes (5 320 t), de La Cotinière sur l’île d’Oléron (5 293 t), et même de Saint Gilles Croix de Vie (4 147 t) (annexe 3). Ce tonnage représente 10 % de celui de son année record, 1964, avec 25 342 t de poissons débarqués.

En valeur, ces apports connaissent une chute moins importante qui s’explique par la tendance à la hausse du prix de vente moyen à la criée, qui passe de 2,50 € le kilogramme en 1994 à 4,13 € en 2013, soit une progression de 158 % (annexe 2). L’inflation cumulée sur cette période étant de 34,7 %, le prix actualisé de l’inflation aurait été de 3,37 € . Ce calcul montre que le prix du poisson à la criée de La Rochelle a progressé bien plus que le taux d’inflation, permettant aux pêcheurs une valorisation du produit de leur pêche.

« La spirale de l’échec » toujours en marche ?

Pour autant, la concurrence des ports espagnols, tel Pasajes, réputés avoir des prix d’achat plus élevés, continue-t-elle à jouer contre les apports à La Rochelle, comme cela était le cas dans les années 1995 ? L’audit, présenté en août 1995, mettait en effet en évidence une perte d’exploitation liée à l’importance des charges financières (remboursement des investissements), mais aussi et surtout à la faiblesse des produits d’exploitations à cause du manque d’apports à La Rochelle, soulignait Le Marin . L’audit précisait que les pêcheurs étaient de bons professionnels dont « l’évasion croissante » au profit des ports espagnols et bretons s’expliquait par la différence des cours. Les 23 acheteurs du port ne faisaient alors que 20 % de leurs approvisionnement au maximum sur La Rochelle, le reste - 80 % - venant d’autres ports ou de l’importation . Le port de pêche se trouvait alors « au fonds du gouffre ».

P.-M. Lemaire mettait en exergue, dans cet article, une donnée explicative apportée par l’audit : les acheteurs, « des grossistes plus que des mareyeurs », étaient accusés de généraliser les rétrocessions et d’acheter à La Rochelle « au plus près du prix de retrait » alors que, dans les autres ports où ils s’approvisionnaient, ils achetaient au cours. Le conflit avec la chambre de commerce « à qui ils reprochent de les avoirs entraîner dans une aventure coûteuse » était latent poursuivait le rapport. Il s’exprimait par « le refus de la vente informatisée , une attitude souvent hostile en criée, des achats intempestifs au prix plancher et des phases de boycott qui pénalisent à la fois les pêcheurs et la CCI ». D’où l’écœurement de certains pêcheurs aussitôt candidats au débarquement dans d’autres ports ». Et c’est ainsi, conclut l’audit, que « la spirale de l’échec se nourrit désormais de tous les dysfonctionnements de l’outil et des accrochages répétés ». Ce déclin du port s’est poursuivi après 1995, malgré la décision de mesures d’aides au développement .

L’intervention du conseil général de Charente-Maritime se traduisait, en effet, en 1996 par un plan comportant quatre mesures qui impliquaient la responsabilité de la chambre de commerce, gestionnaire du port. Celle-ci devait mettre en place tout ou partie des mesures préconisées par l’audit pour réduire au maximum les charges de fonctionnement : suppression de la ristourne de 3 millions de francs que le port reversait à la chambre pour ses « services généraux », l’allègement des charges de personnel, révision de tous les services concédés, rééchelonnement de la dette …. D’où aussi le projet d’abandon du tri de nuit qui a provoqué, quelques jours auparavant, chez les employés de marée, touchés dans leurs revenus, un mouvement de grève d’une journée. Enfin, coup de pousse déguisé, la communauté de villes de l’agglomération rochelaise (avec l’aide des conseils général et régional), s’engageait à racheter à la chambre de commerce les 18 hectares de la zone industrielle Agrocéan, soit 10 millions de francs, pour alléger d’autant sa dette. Les actions de développement allaient être entièrement financées par les collectivités locales pour ne pas mettre plus à mal la trésorerie de la CCI. Elles prévoyaient la réalisation de deux équipements pour compléter les installations portuaires : un atelier de transformation (1,25 millions de francs) pour valoriser le poisson débarqué (le peler, le fileter, le conditionner, …) et une nouvelle tour à glace (1,6 millions de francs) qui devait être implantée cette fois le long du quai pour être enfin fonctionnelle. Le plan proposait aussi, comme à Lorient, la création de bases avancées (en Ecosse) pour permettre aux chalutiers de mieux valoriser leur production en organisant un transport rapide du poisson vers La Rochelle à partir des zones de pêche.

Enfin, Chef de Baie ne désespérait pas de devenir un jour « le » port de la Charente-Maritime, pour y traiter l’ensemble des produits de la mer de toute la région, le poisson de La Cotinière et de Royan, comme les huitres de Marennes-Oléron et les moules de Charron .

Certes, le port n’est plus au fond du gouffre.

Un syndicat mixte, créé en 2001, le gère solidement. La communauté d’agglomération s’est engagée aux côtés de la chambre de commerce, à égalité en termes de responsabilité financière. Un nouveau directeur avec le président du syndicat mixte a pris les choses en mains. Des projets d'avenirs sont portés Des améliorations techniques ont été apportées, dont l’informatisation de la criée en 2004. La zone Agrocéan accueille des activités nouvelles.

Mais la situation du port demeure très précaire sur le plan financier. Ainsi, le conseil communautaire de l’agglomération rochelaise du 30 avril 2013 enregistre un déficit prévisionnel du syndicat mixte pour 2013 compris entre 200 000 et 250 000 euros. Contribuant à 50 % au comblement du déficit de gestion du Syndicat, le conseil a décidé de verser un premier acompte de 70 000 euros. En cause « une première tranche d’investissements pour un montant de 110 000 €, ainsi que d’importants travaux de remise en état d’ateliers de mareyage. Ces investissements éligibles à diverses subventions, qui ne seront perçues que dans plusieurs mois, ont affaibli la trésorerie du syndicat » note la délibération adoptée à l’unanimité des membres du conseil.

Le tonnage débarqué continue cependant à fléchir alors que les fonds de pêche se reconstituent dans le golfe de Gascogne, selon Elian Castaing qui participe à un armement franco-espagnol dont les chalutiers débarquent leur pêche en Espagne.

Ainsi, depuis 2008, les apports au port de Chef de Baie sont passés en dessous des 3 000 tonnes. Aujourd’hui, sur les 15 chalutiers immatriculés à La Rochelle en 2013, seuls 8 de ces chalutiers de plus de 12 mètres viennent vendre à Chef de Baie. L’un d’entre eux, l’Aditi, est resté à quai en septembre-octobre 2014 plus d’un mois faute d’équipage, avant de gagner Royan. Cependant une centaine de coureauleurs continuent à alimenter le port.

Le nombre de chalutiers immatriculés dans le quartier de La Rochelle continue à diminuer globalement, passant de 127 unités en 2000 à 74 en 2013 soit une baisse de 41,8 % en 13 ans, certes à l’image de la flotte de la France métropolitaine qui, passant pour la même période de 5 887 à 4 521 unités, a diminué de 14,7 %.

Phénomène donc non isolé donc que le reflux rochelais, mais plus fort que la moyenne nationale. Les ports bretons connaissent eux aussi une baisse non négligeable, tel Lorient avec – 29,7 %, Le Guilvinec (qui conserve encore 233 chalutiers contre74 à La Rochelle en 2013) avec – 34 % ou Concarneau – 40,6 %. Nos voisins reculent aussi de 41 % pour les Sables d’Olonne ou seulement de – 10 % pour La Cotinière. Cependant, La Cotinière dépasse Chef de Baie en apports, investit pour se moderniser, alors que les Sables d’Olonne, eux aussi, devancent La Rochelle.

Vingt ans après sa mise en service le 24 octobre 1994, où va le port de pêche de Chef de Baie ? Le débat reste ouvert. Lors de la manifestation marquant ces 20 ans, le dynamique président du Syndicat mixte à tracé des perspectives intéressantes. Mais tous cela reste lié à la remontée, à 5 000 tonnes, des apports de poisson à la criée. Nous en sommes à un peu plus de 2 700. Le port a-t-il mangé son pain noir ? L'avenir nous le dira.

Henri Moulinier,

Docteur en histoire La Rochelle

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  • henri Moulinier
  • Adjoint au maire honoraire de La Rochelle. Ancien professeur de lycée en S.E.S. et chargé de cours d'éco Université de La Rochelle. Docteur en histoire. Militant LDH La Rochelle.
  • Adjoint au maire honoraire de La Rochelle. Ancien professeur de lycée en S.E.S. et chargé de cours d'éco Université de La Rochelle. Docteur en histoire. Militant LDH La Rochelle.

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