La revue marxiste La Pensée, la Fondation Gabriel-Péri et la Fondation allemande Rosa-Luxembourg ont eu la bonne idée d'organiser les 13 et 14 novembre dernier, au siège de l'UNESCO à Paris, un colloque international intitulé, Marché(s), société(s), histoire et devenir de l'Humanité.
Ce colloque ne pouvait pas mieux tomber avec la grave crise des marchés financiers et ses répercussions tout aussi graves sur la sphère de l'économie réelle, ainsi que sur les conditions de vie et de travail des peuples.
L'objectif central de cette rencontre est de démystifier l'idée que l'économie de marché est consubstantielle au système capitaliste ; et de dégager aussi quelques pistes de dépassement aussi bien théoriques que pratique de ce système.
L'économie de marché existe depuis l'Antiquité!
( Voir aussi un article déjà écrit sur ce blog)
Selon plusieurs conférenciers, l'économie de marché existe sous des formes diverses, depuis l'Antiquité.
Cette économie, dans sa version capitaliste, en est certes la forme la plus performante - mais pas la forme aboutie. C'est ainsi que le capitalisme s'est montré incapable de satisfaire les besoins sociaux et environnementaux des peuples, quand il ne les a pas aggravés : crises des matières premières, de l'énergie, de l'eau potable, crise alimentaire, effet de serre, catastrophes naturelles, chômage, non-satisfaction des besoins sociaux vitaux, etc.
Actualité oblige, la plupart des orateurs ont eu l'occasion de dire tout le mal qu'ils pensaient de la crise financière actuelle due à la financiarisation de l'économie capitaliste. Rappelons que cette financiarisation - et son corollaire les multiples crises financières qui ont secoué cette économie ces trente dernières années - est engendrée fondamentalement par la dégradation continue du pouvoir d'achat de la majorité des peuples, à cause du chômage chronique et massif, du sous-emploi, de la stagnation relatif des salaires réels... Le capitaliste, poussé par la concurrence, tente de produire toujours plus et à moindre coût. Produire à moindre coût, veut dire réduire les frais de production, avant tout ceux de la main-d'œuvre, qui en est l'élément le plus cher, pour la remplacer entre autres par la machine. Moins d'emplois signifie moins de revenus, et donc moins de pouvoir d'achats et de débouchés (solvable), pour ce qui est des entreprises. Confronté à une telle impasse, le système capitaliste essaie alors de contourner le problème par deux moyens principaux (mais pas les seuls) : l'endettement des ménages par l'octroi de crédit à la consommation (dont les subprimes) et la spéculations boursière, qui ne produit que du vent, mais avec des taux de profits de 12 à 15 % au lieu de 4 à 5 % de profits tirés des investissement, dans l'économie réelle.
Le capitalisme est-il réformable?
Orateurs et participants se sont ensuite interrogés, si le capitalisme est réformable. Leur réponse est sans appel : non. Car le marché capitaliste ne peut pas s'autoréguler.
Prétendre par conséquent le moraliser, c'est méconnaître les lois intrinsèques et inéluctables du fonctionnement de ce système.
C'est pourquoi des luttes intenses se sont engagées autour de la nature des solutions à apporter à la crise financière actuelle : l'une libérale, vise à préserver les intérêts du grand patronat ; et l'autre, progressiste, vise à remettre radicalement en cause le modèle néolibéral de croissance, modèle fondé uniquement sur la recherche de la maximisation des profits.
La seconde solution consiste concrètement, selon plusieurs intervenants, dans l'amélioration des droits sociaux, dont les salaires ; l'instauration d'une sécurité sociale professionnelle des travailleurs (et l'intervention de ceux-ci dans l'élaboration des choix stratégiques de leurs entreprises) ; la réhabilitation des services publics ; la création d'un pôle public bancaire privilégiant le financement des projets créateurs d'emplois et satisfaisant les besoins sociaux ; la fin de l'indépendance des Banques centrales ; le contrôle et la taxation de la circulation des capitaux ; la création de monnaies régionales, comme jalon vers la création à plus long terme d'une monnaie mondiale, en vue de mettre fin à l'hégémonie du dollars, etc.
Les chercheurs chinois ont axé leurs exposés respectifs sur la mise en place dans leur pays de ce qu'ils appellent les mécanismes de l'économie socialiste de marché.
L'autre expérience, qui a recueilli l'intérêt des participants, est l'Alliance bolivarienne pour les peuples des Amériques (regroupant Cuba, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique et le Honduras). Elle avait été créée en 2004 à La Havane, en réaction contre la zone de libre-échange, dont l'unique but est de pressurer davantage les économies des pays de ce continent au profit des entreprises transnationales états-uniennes. D'autres pays latino-américains ne sont pas moins engagés dans des luttes peut-être plus sectorielles, en tout cas moins radicales et moins globales que celle de l'ALBA en vue de se préserver des actions prédatrices contre leurs économies de la part du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.
Hakim Arabdiou